LA PUISSANCE CHINOISE EN EUROPE
Le Président chinois Xi Jinping s’est rendu en Europe du 21 au 26 mars. De l’Italie à la France en passant par Monaco, ce voyage diplomatique fut l’occasion d’aborder avec ses homologues européens différents enjeux internationaux et de promouvoir son projet de Nouvelles routes de la soie.
L’Italie sur les nouvelles routes de la soie
Le voyage de Xi Jinping en Europe a débuté en l’Italie par la signature d’un protocole d’accords. Celui-ci comporte une série d’investissements répondant aux difficultés économiques dues au déficit de la dette souveraine et le manques d’investissements dans le pays. Par ces accords l’Italie souhaite relancer son économie, la Chine quant à elle poursuit en Europe son projet de Nouvelles routes de la soie initié en 2014. Celui-ci a pour objectif de développer un réseau d’infrastructures visant à favoriser les échanges commerciaux avec le reste du monde. Grâce à la modernisation des ports de Gênes et de Trieste, principaux ports de la péninsule, la Chine s’assure un accès privilégié à l’Europe. Malgré les investissements colossaux promis, la signature de ces accords n’a pas fait l’unanimité au sein du gouvernement italien. Washington a aussi fait part de ses inquiétudes face à l’avancée des Nouvelles routes de la soie en Europe. Au niveau européen également, ces accords divisent car, bien que non contraignants, l’Italie devient de fait un allié de la Chine. La Puissance asiatique pouvait déjà compter sur le Portugal et la Grèce pour défendre sa position au sein des négociations européennes. Elle dispose désormais de l’appui supplémentaire et de taille puisque l’Italie est un pays membre du G7 et fondateur de l’Union.
HUAWEI à la conquête du Rocher
Monaco fut la seconde destination du Président Xi Jinping. Grâce au contrat signé en 2018 avec HUAWEI, la principauté devient le premier pays entièrement couvert en 5G. Le micro-Etat devient ainsi un appui stratégique de taille dans la promotion du réseau 5G du géant chinois des télécoms.
En France, la réciprocité au cœur des discussions
Pour clore son voyage européen, le président chinois s’est rendu en France. Les deux dirigeants ont salué la longévité et la prospérité des relations diplomatiques sino-françaises et évoqué les nombreux domaines de coopérations. A propos des relations internationales, la Chine et la France se rejoignent dans la volonté de défendre un multilatéralisme fort pour répondre aux enjeux internationaux. Concernant le commerce international, le président chinois a mis en avant l’intensification des échanges soulignant une augmentation de plus de 13 milliards de dollars en 5 ans du volume annuel du commerce. La Chine promet davantage d’ouverture et défend une mondialisation économique équilibrée aux bénéfices partagés. Elle promeut une augmentation de la coopération internationale en lien avec son projet de Nouvelles routes de la soie. Enfin elle invite les investisseurs français à prendre part au développement du pays en contrepartie d’une facilitation de l’accès au marché français pour les entreprises chinoises. Le Président Emmanuel Macron demande quant à lui à la Puissance davantage de clarté et de montrer ainsi sa volonté d’adopter une ligne plus ferme concernant les relations commerciales et économiques avec cette dernière.
Cette visite fut également l’occasion de passer un certain nombre de contrats et d’accords commerciaux. Tout d’abord, la Chine a levé l’embargo sur la volaille française en place depuis la grippe aviaire de 2015, elle a aussi ouvert son marché à l’ensemble des mollusques français. Ensuite, l’entreprise chinoise China Aviation Supplies Holding Company a signé avec Airbus un contrat de 290 Airbus A320 et 10 A350. Ce contrat devrait profiter à l’ensemble des usines françaises et européennes d’Airbus puisque les A350 seront exclusivement fabriqués en Europe. La moitié des A320 seront tout de même assemblés à Tianjin en Chine mais l’assemblage ne représente qu’une infime partie du processus de fabrication. Pour répondre à cette commande Airbus va accélérer la cadence de la production industrielle. Dans le secteur de l’énergie, EDF a également passé un important contrat pour la construction d’éoliennes en mer. Du côté français, l’entreprise CMA CGM a acheté 10 porte-conteneurs à la Chine.
Les échanges ne se sont pas limités au commerce, le domaine de la culture fut également abordé puisqu’un centre Beaubourg devrait ouvrir à Shanghai. Concernant la recherche scientifique, un accord dans le domaine spatial a été signé.
Unir l’Union Européenne ?
L’Europe est un marché attirant pour la Chine. Depuis plusieurs années, elle développe ses relations avec les pays du continent. La mise en place de l’alliance “16+1” avec les pays d’Europe centrale témoigne de son intérêt pour l’Europe. Investisseur majeur de l’Allemagne, l’Angleterre la Franc ou la Hollande, la chine étant progressivement son influence économique. La Chine a également réalisé des investissements stratégiques importants dans certains pays de l’Union comme le port du Pirée en Grèce, ou le fournisseur d’électricité portugais. De plus les IDE chinois à destination des Balkans se multiplient. Le rachat du groupe Kuka fleuron de la robotique allemande avait attiré l’attention sur les transferts de technologie et la nécessité de mettre en place des règlementations concernant les investissements étrangers. En Allemagne comme en France, cette prise de conscience des risques que peuvent représenter ces investissements pour les secteurs stratégiques de l’industrie s’est accompagnée d’une série de mesures pour contrôler davantage les IDE. Cependant à l’échelle européenne, L’Union ne parvient pas à adopter une position unique concernant les relations commerciales avec la puissance chinoise. A l’image des accords passés avec l’Italie la Chine privilégie les relations bilatérales et profite des divisions européennes.
C’est dans ce contexte que, le mardi 26 mars, le Président chinois conclut son voyage en Europe par une rencontre avec Angela Merkel, Jean-Claude Junker et Emmanuel Macron à Paris. L’objectif des dirigeants européens est de présenter une Europe unifiée et d’adopter une stratégie cohérente afin de rééquilibrer les relations économiques avec la Chine. Une ligne commune pourrait permettre à l’Union de peser face à la Chine qualifiée par la Commission européenne de « rivale systémique », et tirer parti de la guerre commerciale avec les États Unis en profitant de cette période d’incertitudes pour inciter la Chine à évoluer sur certains aspects de sa politique commerciale.