Category: Domaines de compétences

QU’APPELLE-T-ON LES « VILLAGES TAOBAOS » ?

Taobao : Il s’agit de la plateforme de vente en ligne lancée en 2003 par Alibaba. Cette plateforme C2C compte aujourd’hui plus de 500 millions d’utilisateurs actifs et comprend également une branche B2C lancée en 2008 : T-Mall. Au total, ce serait près de 3 000 milliards de yuans échangés sur ces deux plateformes au cours de l’année 2017.

Cette année, une grande partie des déguisements d’Halloween portés dans les villes de la côte provenaient probablement d’un petit village d’une province rurale de la Chine, un de ces villages surnommés « villages Taobaos ». Il s’agit d’un autre aspect de la révolution du retail en Chine et nous vous en proposons ici une lecture dont nous espérons qu’elle vous inspirera dans votre approche du e-commerce chinois. En quoi consiste exactement ces villages ? Comment des entrepreneurs avec peu de ressources se sont-ils appropriés le e-commerce avec succès et quelle utilisation en font-ils ? Outre le fait de mieux connaitre la situation actuelle dans ce pays, les sociétés européennes de retail, à qui il est souvent conseillé de développer une stratégie de e-commerce dans leur activité en Chine, peuvent également s’inspirer de ces micro-entreprises.

Une communauté rurale tournée vers le e-commerce

La définition officielle d’un « village Taobao » est une communauté rurale dont au moins 10% des familles utilise Taobao pour la vente de leurs produits, ou dans lequel 100 boutiques en ligne ont été ouvertes par des villageois ; et dont le volume de transaction est d’au moins 10millions de yuans. Cette définition est donnée par Aliresearch, centre de recherche d’Alibaba dont le travail est de compiler et d’exploiter toutes statistiques utiles sur la nature de leurs commerces en ligne. Ces villages se sont d’abord développés dans le cadre d’Alibaba, et ont été rapidement soutenus par les autorités chinoises qui voient en eux un moyen de lutte contre la pauvreté, de promouvoir le développement des provinces de l’Ouest, et de ralentir l’exode rural, priorités du 13ème Plan Quinquennal. Il faut savoir qu’aujourd’hui, encore 45% de la population chinoise vit dans des villages (souvent plus grands que nos villages européens). Ces organisations sont d’autant plus les bienvenues qu’elles naissent d’initiatives personnelles, apportant ainsi une culture de l’entrepreneuriat dans les campagnes chinoises, culture identifiée comme l’une des clés du succès des villes modernes de la côté. Aujourd’hui, JD.com promeut également sa plateforme dans les communautés rurales.

En croissance de 25% en 2015, on dénombre 2 118 « villages Taobaos » en 2017, totalisant 120 milliards de yuans de ventes (Aliresearch). C’est en tout 1.3% de la population active chinoise qui est impliquée dans le e-commerce cette année-là (10millions). Comme mentionné ci-dessus, cette initiative est activement soutenue par Alibaba qui a publié un plan d’investissement 2017-2019 de 1,6 milliards USD, avec pour objectif d’ouvrir 100 000 centres Taobaos ruraux. Le deuxième acteur important est le gouvernement chinois qui, pour les raisons susmentionnées, alloue 300millions USD à 200 comtés ruraux pour la construction d’entrepôts, la formation de main d’œuvre. En conséquence, il semblerait que les jeunes reviennent à la campagne ou du moins en partent moins puisque 52% des propriétaires de commerce en ligne dans ces villages ont moins de 30ans.

Des micro-entreprises qui expérimentent

Ces statistiques démontrent le succès a priori d’un business model disposant d’un style de gestion unique : ces micro-entreprises sont en effet souvent ouvertes par des personnes ayant peu de qualification et qui, profitant des faibles coûts d’entrée, adoptent une approche d’expérimentation du marché, en adaptant constamment leurs produits grâce aux statistiques fournies par Taobao et aux retours clients. La plupart de ces entreprises produisent dans les villages pour vendre vers les villes, mais certains font l’inverse : ils achètent dans les grandes villes et distribuent ensuite dans les villages. Pour ceux qui vendent vers les villes, le e-commerce leur donne accès à un marché bien plus grand, abolissant les distances (pourvu que les infrastructures le permettent) et permettant de vendre ses produits plus chers dans des villes au pouvoir d’achat plus élevé. Enfin, on observe différentes utilisations de ce nouveau canal de distribution. Certains villages se spécialisent dans les produits agricoles locaux (baies de Goji de Ningxia, pousses de bambous, thé, et patates douces à Suichang) lorsque d’autre se spécialisent dans un type de produit sans relation avec la localisation (équipement d’extérieur, costumes…). Il semblerait que ce soit dans le premier domaine que la demande est la plus forte, les consommateurs attendant des produits locaux moins chers et potentiellement plus sains (agriculture biologique). On remarque par ailleurs que la spécialisation se fait souvent à l’échelle du village, d’où la dénomination de « villages Taobaos », impliquant une échelle plus large qu’une simple boutique.

Spécialisation régionale?

Autres évolutions intéressantes, certains villages ont mis en place des associations « Taobaos » pour assurer la qualité, à l’image d’une Chambre d’Industrie. Par ailleurs, les « villages Taobaos » voient leurs activités tertiaires (vente, livraison, stockage) se développer fortement, jusqu’à représenter 50% du PIB local. Enfin, l’éco-tourisme se développe également, conséquence de la familiarisation des citadins avec les produits ruraux. Cette dernière évolution est d’autant plus intéressante pour les sociétés européennes que l’on observe en Europe un phénomène similaire. Sans discuter des voyages thématiques « Grands crus » et autres en France dont la popularité augmente tous les ans, on peut citer le cas de ce village de Momchilovtsi en Bulgarie, dont le yaourt est devenu extrêmement populaire en Chine, conduisant des cars de touristes jusqu’à ce village des montagnes de Rhodope. Ainsi, l’origine et l’identité locale devient un concept de branding de plus en plus important en Chine.

Survivre à la concurrence sur les plateformes

Il faut toutefois mentionner certaines limites rencontrées dans ces « villages Taobaos ». Tout d’abord, leur développement n’est pas si évident car l’accès aux technologies numériques est encore bien souvent limité en Chine : 1% des foyers connectés au haut débit dans la plupart des villages (l’objectif annoncé dans le plan gouvernemental « Internet + » est de 98% en 2020.) Une autre limite, plus commune dans le domaine du e-commerce et également rencontrée par les sociétés européennes, est celle d’un branding limité et donc de produits facilement copiés. Ainsi, le « village Taobao » de Qingyangliu n’a que 20 à 30% de business viables ; la cause identifiée est un marché saturé où il est difficile d’être compétitif face aux grosses entreprises. Une autre conséquence négative de ce développement est enfin la pollution environnementale : l’augmentation des déchets n’est en effet pas contrôlée.

Entre opportunité de développement et concept dont la rentabilité durable reste encore à prouver, les « villages Taobaos » sont en tout état de cause une curiosité de la révolution du retail en Chine, illustration de l’esprit d’entreprise actif que l’on peut trouver en Chine. Ils prouvent également que le e-commerce offre des opportunités en termes d’accès à bas coût à des marchés éloignés mais que les difficultés persistent, notamment lorsqu’il s’agit de construire une image de marque, sur un marché saturé.

Par Manon Bellon

Crédits images : Greg Jenkins

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PRIX MENSUELS DU MÉTAL AU COURS DES 6 DERNIERS MOIS USD / TONNE

TAUX DE CHANGE MENSUELS RMB/EUR ET EUR/RMB AU COURS DES 6 DERNIERS MOIS

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Disponible en version PDF : Téléchargement Newsletter VVR 2018 NOVEMBER

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LES NOUVELLES ROUTES DE LA SOIE, CONCRETEMENT

Parce que septembre est le mois des retours de vacances, nous vous proposons de rester sur les routes et de parler d’un autre type de voyage ce mois-ci. En effet, grâce à l’initiative des Nouvelles Routes de la Soie (ci-après OBOR, de son acronyme anglais), c’est aujourd’hui un flot croissant de biens de consommation qui sont acheminés chaque jour entre l’Europe et l’Asie.

Depuis le lancement de l’initiative par le Président XI Jinping en 2013, la plupart des commentateurs s’accordent à dire que ce projet aux dimensions démesurées est avant tout politique. Pourtant, il se concrétise pour le moment principalement dans la mise en place ou la mise en réseau d’infrastructures. Ainsi, l’un de ses impacts les plus visibles est une réorganisation de la logistique entre Europe et Chine. C’est pourquoi, recherchant l’impact concret d’OBOR sur les entreprises européennes, nous focalisons notre courte analyse sur celui-ci. M. Joost van Opstal qui travaille pour AEL-Berkman, une société de logistique, a bien voulu répondre à nos questions et nous éclairer sur ce qu’était concrètement OBOR pour la plupart des commerces européens, quel était la situation présente du projet, et quel serait son futur possible.

Pour commencer, qu’est-ce qu’OBOR aujourd’hui ? Comment pouvons-nous nous tenir au courant des nouvelles infrastructures en construction ou en projet ? Y a-t-il une organisation qui effectue un suivi sur ce projet aux ramifications immenses ?

A présent, OBOR est constituée de deux corridors terrestres : Chine-Mongolie-Russie-Europe et la route du sud, aussi appelé la route de Khorgos (Chine-Kazakhstan-Russie-Europe). Il existe également une route maritime mais elle n’impacte pas grandement la logistique pour le moment. Ces routes ont donc pour but de relier de manière plus efficace la Chine intérieure à l’Europe. En effet, à cause du coût du travail qui augmente en Chine de l’Est, de plus en plus d’usines se relocalisent en Chine de l’Ouest. Or, le transport depuis les villes de l’intérieur aux ports chinois est parfois aussi coûteux que le transport depuis ces ports jusqu’en Europe ! Ainsi, Chongqing et Zhengzhou se sont développés comme les deux hubs les plus importants, au départ d’OBOR. En Europe, le terminal d’entrée se situe en Pologne. C’est ici qu’ont lieu les procédures douanières – le transport ferroviaire le long d’OBOR suit le même principe que le transport maritime : un document unique pour les douanes, valide sur tout le trajet. La plupart des biens à destination de l’Europe de l’Ouest continue ensuite leur route vers Duisburg en Allemagne.

Une grande partie de ce réseau ferroviaire aujourd’hui utilisé sous le nom d’OBOR existait avant le lancement de l’initiative et n’a ainsi pas été construit pour OBOR. Ceci explique également la rapidité opérationnalité des infrastructures.

Pour connaitre l’avancement des projets (les lignes en rose sur la carte ci-dessus), les consulats et ambassades de Chine proposent souvent des séminaires, souvent orientés sur l’impact d’OBOR sur les économies des pays où ils se trouvent. Les sources gouvernementales sont susceptibles d’être les plus fiables, mais il est également possible de trouver des informations auprès des entreprises impliquées ou même auprès de celles qui commercialisent OBOR (Khorgos Gateway). Si ces informations peuvent être plus récentes et plus à propos, elles peuvent également manquer d’objectivité.

Selon votre expérience, quel est l’impact d’OBOR sur les entreprises européennes ?

On observe un impact principalement en ce qui concerne la logistique. D’ailleurs, HP est l’une des entreprises qui a travaillé étroitement avec le gouvernement chinois à la préparation de l’initiative. En effet, ayant relocalisé leur production chinoise à Chongqing, pour les raisons mentionnées plus haut, ils ont eu besoin d’un moyen de transportation alternatif à l’océan, pour acheminer leurs produits dont la durée de vie est relativement courte. En effet, dans ce domaine de la technologie, deux semaines peuvent déterminer une vente ou une non-vente.

Ainsi, le transport ferroviaire est une alternative pour nos clients. Ce n’est pour autant pas un remplacement : nous estimons qu’il ne représentera pas plus de 10% du flux Chine-Europe. Cela étant dit, le transport ferroviaire à travers l’Asie Centrale est plus rapide et moins sujet aux variations de prix et de temps que le transport maritime, pour un coût environ trois fois supérieur. Jusqu’à aujourd’hui, la Route de la Soie maritime n’a pas conduit à des changements observables sur le transport de biens par les mers, entre la Chine et l’Europe. Par rapport au transport aérien enfin, qui est principalement utilisé pour les biens périssables, le transport ferroviaire assure des conditions de transports satisfaisantes pour ces biens, en plus grandes quantités, et avec moins de restrictions, en ce qui concerne les produits dangereux. Un autre avantage d’OBOR, largement discuté dans les divers forums, est le marché immense que l’initiative ouvrira, aux commerces européens entre autres. En effet, l’un des aspects d’OBOR est de promouvoir le développement des zones qu’elle traverse, pour la plupart des pays à bas niveau de revenus. En théorie, c’est donc un marché de 4.4 milliards de consommateurs potentiel, si l’on réunit les quelques 68 pays aujourd’hui impliqués d’une manière ou d’une autre dans l’initiative toutefois. Ce marché immense est au moins autant incertain et dépend du succès de cet aspect développement du projet.

Quels sont les risques liés à l’utilisation du réseau ferroviaire d’OBOR ?

Les inquiétudes de nos clients concernent principalement deux points : la qualité des infrastructures de transport, et leur sécurité.

En cas de problème sur le trajet, quelles sont les possibilités de réparation ? Cette inquiétude est particulièrement grande en ce qui concerne les produits réfrigérés qui ne peuvent souffrir des variations de température trop importantes. Bien qu’officiellement, il existe une station de maintenance toutes les 8 heures, l’expérience nous suggère que cela n’est en pratique pas le cas.

Le risque de vol constitue l’autre grande inquiétude, en particulier pour les produits à forte valeur ajoutée, car le convoi traverse des régions pauvres. Le fait que des sociétés chinoises de sécurité privée se développent et offrent leurs services le long des routes de la soie semble indiqué que cette inquiétude est justifiée. Toutefois, le risque semble géré sur cette partie du convoi puisque c’est en fait en Europe que ce type d’incidents est rapporté.

Beaucoup de pays traversés ont une situation domestique instable, ou des relations entre eux changeantes. Ainsi, un certain risque politique est à prendre en compte.

Quel type d’industrie a le plus à gagner d’OBOR ?

Sans doute s’agit-il des industries de distribution en électronique (ordinateurs…), mode, produits périssables (lait en poudre, produits de l’agriculture), machine (pièces séparées), et la pharmaceutique.

Par ailleurs, la grande majorité du trafic s’effectue de la Chine vers l’Europe (90%), des fournisseurs vers les distributeurs. Ainsi, les entreprises qui fournissent des distributeurs comme Lidl peuvent profiter du réseau OBOR et acheminer leurs produits plus rapidement : dans ce secteur, un jour de différence dans la durée du trajet peut amener à une pénalité. Si elles faisaient auparavant le choix de l’avion, le train est aujourd’hui une solution plus abordable.

Les flux d’Europe vers la Chine ne constitue que 10% du total. Toutefois, étant donné la taille des flux, ces 10% peuvent encore être extrêmement intéressants pour les producteurs et distributeurs européens. Une entreprise néerlandaise dans le commerce du lait en poudre est ainsi un business case intéressant : l’utilisation du réseau OBOR, à hauteur d’un train par jour aujourd’hui, a certainement contribué au succès de son développement récent en Chine (ils ont aujourd’hui ouvert une Joint-Venture). En résumé, les opportunités ici se situent dans le domaine de la poudre de lait (une large partie des exportations actuels), les produits issus de l’agriculture (principalement des légumes et fruits frais), et les médicaments.

Nous identifions un autre avantage à utiliser les réseaux OBOR au niveau marketing. Utiliser ce réseau a en effet un impact environnemental et potentiellement social positifs. Par ailleurs, en raison de la valeur politique de ce projet, il peut également être possible de recevoir des subventions pour faciliter ses exportations.

Enfin, le développement du e-commerce cross-border est souvent mentionné dans les rapports comme facilité par OBOR. Toutefois, la logistique de ce nouveau canal de distribution est radicalement différente et n’utilise pas pour l’instant le transport ferroviaire, n’ayant pas les volumes pour.

Selon vous, comment voyez-vous l’évolution future d’OBOR ?

L’ampleur du projet est si grande et les champs si divers qu’énormément de facteurs entrent en jeu. Il est donc difficile d’émettre une opinion sur une évolution future, et notamment de savoir si les objectifs annoncés par le gouvernement vont être atteints ou non. Selon les informations auxquels nous avons accès, et en ce qui nous concerne, nous n’observons pas de nouvelles constructions de chemin de fer entre l’Europe et la Chine.

Cela étant dit, nous observons aujourd’hui quelques limites atteintes en termes de volume. A raison de deux trains par semaine au départ de chaque ville de l’initiative OBOR, les hubs européens sont surchargés.

Fondée en 1903 aux Pays-Bas en tant que fournisseur de charbon et d’énergie, Berkman Energy a évoluée et d’une entreprise familiale, elle est devenue une entité globale. Fondée en 1998, AEL-Berkman Forwarding (HK) Ltd. réunit dans une Joint-Venture deux sociétés de services transitaires ayant une longue expérience dans le domaine. Ainsi, capitalisant en tout plus de 50ans d’expérience, AEL Asia Express (HK) Ltd. et Berkman Forwarding B.V se sont associés pour développer le marché chinois. Leur premier transport sur les routes d’OBOR date de 2016.

Par Manon Bellon

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LE E-COMMERCE CROSS-BORDER

Quelle opportunité pour les marques européennes ?

Il n’est aujourd’hui plus nécessaire d’être en Chine pour vendre en Chine.

58 millions de nouveaux consommateurs chinois ont adoptés le e-commerce en 2017.

Dans l’explosion des chiffres du e-commerce rapportés au mois de mai (1 130milliards de dollars d’achat sur Internet en 2017, dont 40% visant des produits internationaux), le e-commerce cross-border est le secteur le plus prometteur. Il s’agit en gros de vendre depuis l’étranger directement à des consommateurs chinois via des plateformes spécialisées. De 100 milliards de dollars en 2017, il pourrait croitre à 144 milliards en 2021. L’année passée, ce sont quelques 58 millions de consommateurs chinois qui ont adoptés ce nouveau mode d’achat. Ce nombre sera bientôt équivalent au nombre total d’utilisateurs du e-commerce selon certains observateurs.

Hausse de la demande en produits internationaux ? De toute apparence, cette évolution est de bon présage pour les entreprises européennes, et il semble que l’on devrait se hâter de proposer nos produits sur Tmall Global, JD Worldwide et NetEase Kaoloa. Pour ce mois-ci, nous vous proposons toutefois de vérifier cette hypothèse en explorant ce qui se cache derrière cette nouvelle structure de commerce en ligne, et les bénéfices véritables pour les entreprises européennes.

Une réglementation en construction

En retournant aux origines du e-commerce cross-border, on observe tout d’abord une réglementation croissante dans ce domaine. En effet, l’appétit des consommateurs chinois pour les marques étrangères à moindre coût était d’abord satisfait par des daigous : intermédiaires (membres de la famille, amis, ou « professionnels ») qui se rendaient à l’étranger et ramenaient dans leurs valises certains produits.

Cependant, la réglementation sur ce type de commerce étant limitée, et la demande grandissante, le gouvernement chinois a lancé en 2012 son premier projet de e-commerce cross-border dans 10 villes pilotes : Shanghai, Hangzhou, Ningbo, Zhengzhou, Chongqing, Guangzhou, Shenzhen, Tianjin, Fuzhou and Pingtan. (En Chine, les réformes législatives sont souvent testées dans certaines villes avant d’être élargies à l’ensemble du pays si les résultats sont positifs.) Le e-commerce cross-border permet de réduire la charge procédurale pour les entreprises étrangères (procédures d’importations simplifiées, une licence de commercialisation et l’enregistrement à la CFDA étant les seuls documents exigés). Les consommateurs peuvent ainsi accéder à des produits importés à des niveaux de prix moins élevés.

De plus, par rapport au système des daigous, il n’est nécessaire pour les entreprises de remplir les papiers administratifs que lors de la première importation d’un certain type de produits. Par rapport au système d’importation de biens marchands commun, il n’est pas nécessaire que le produit porte une marque ou une étiquette en chinois.

Seul bémol, ces produits étaient considérés par les douanes comme biens personnels, nécessitant la vérification de l’identité du destinataire.

Apparition du e-commerce cross-border

Après plusieurs réformes dont la dernière date d’avril 2016, le e-commerce cross-border est doté de sa propre classification aux douanes. La valeur maximale d’une transaction est aujourd’hui fixée à 2 000RMB sur une transaction et 20 000RMB par personne et par an. Une taxation propre est établie, avec des droits de douane temporairement à 0%, une VAT à 11.9% et une taxe sur la consommation qui varie selon les biens. Lorsque l’achat d’un seul bien dépasse les 2 000RMB autorisés, il tombe sous le régime des biens marchands.

La liste des biens autorisés à être vendus en e-commerce cross-border recouvre aujourd’hui les HS codes de 1 142 produits : principalement des biens de consommation courante comme de l’alimentation et des boissons, des vêtements, chaussures et accessoires, des appareils électro-ménagers, certains cosmétiques et produits bébés, des jouets… Une deuxième liste autorise sous certaines conditions la vente en cross-border d’alimentation (fruits frais ou secs, compléments alimentaires), et d’équipements médicaux. La publication de ces listes au printemps 2016 a toutefois suscité une certaine confusion au niveau des douanes (notamment autour du lait en poudre), conduisant à la suspension de son application pour un an.

Lutter contre la compétition extrême de la vente en ligne en créant une plateforme dédiée à des produits internationaux qui sont également moins chers

L’avantage à l’origine du e-commerce cross-border est certainement qu’il permet de lutter contre la compétition extrême de la vente en ligne en créant une plateforme dédiée à des produits internationaux qui sont également moins chers. Ainsi, ce système s’est rapidement doté de magasins physiques d’expérience, qui présentent également l’avantage de renforcer le lien entre le consommateur et la marque, autrement un défi conséquent de la vente en ligne. En 2015, il s’agit seulement de voir le produit et parfois même seulement l’emballage.

Cette expérience s’est avérée souvent très frustrante pour les consommateurs à qui il a été ensuite permis d’acheter, puis de récupérer le produit le jour-même (les premiers magasins permettant de récupérer le produit ont ouverts en mars 2017). Cela nécessite cependant de modifier la logistique des plateformes d’e-commerce cross-border : si le produit peut être récupéré le jour-même, alors le magasin doit se situer à proximité d’une zone de stockage de ces produits importés. Ainsi ces magasins sont aujourd’hui réduits aux 10 villes pilotes et de plus sont souvent éloignés des centres-villes. Le développement de ces points de vente est également une opportunité pour les marques de capter de nouveaux consommateurs, en apportant des produits internationaux à leur porte (en théorie).

Tester son produit sur le marché chinois

Enfin, un autre avantage souvent cité, lié au e-commerce cross-border, est qu’il permet aux marques de tester un produit sur le marché chinois à moindre coût, sans envoyer de stock.

Dépendance croissante vis-à-vis des plateformes

Cependant, et à plus forte raison avec les dernières évolutions O2O, le e-commerce cross-border requiert un back-office conséquent. Deux défis pour les entreprises étrangères découlent de ce fait : une dépendance vis-à-vis des plateformes de e-commerce cross-border et un risque d’insatisfaction du consommateur. En effet, dans le contexte du e-commerce et à plus forte raison en Chine, les exigences du client sont élevées quant à la rapidité de livraison et la qualité du service (par exemple la facilité du renvoi, qui doit également se faire au moindre coût pour l’entreprise qui vend). Par ailleurs, la logistique de ce type de e-commerce est basée sur des stocks faibles et est en cela complexe, notamment pour ce qui est de la gestion du dernier kilomètre. En conséquence, la dépendance des entreprises envers les plateformes de vente en est d’autant augmentée.

Une visbilité limitée

Malgré l’argumentation des plateformes de vente en cross-border, l’expérience montre que la visibilité des marques reste faible, bien qu’elle soit améliorée par la présence des produits dans les points de vente physiques.

Enfin, le e-commerce cross-border partage avec le e-commerce commun le même défi de protection des droits de propriété intellectuelle, qui n’est pas insignifiant en Chine.

Des produits de qualité, spécialisés par pays

Ces aspects techniques éclairés, il s’agit maintenant de regarder rapidement la réalité économique de ce nouveau canal de distribution : quels sont les produits qui se vendent, à quelle fréquence et à quel prix ; quels sont les acteurs de ce marché ?

Selon une enquête iiMedia Research (2017), 57.7% des consommateurs choisissent le e-commerce cross-border pour la qualité des produits, 34.4% sont intéressés par le ratio prix/qualité, 30.9% sont attirés par la diversité des marques disponibles sur ces plateformes et 30.2% attachent de l’importance à la garantie de l’authenticité. Ainsi, le Japon, l’Allemagne, la Corée, la France et les Etats-Unis sont les principaux pays d’origine des produits vendus en e-commerce cross-border. Du côté français comme du côté allemand, on vend surtout des cosmétiques, des produits infantiles, de nutrition et de santé.

La plupart des transactions se situent entre 300 RMB et 1000 RMB, et la fréquence d’achat est élevée : une fois par mois au moins pour 65% des utilisateurs, 11.6% affirment même acheter plus d’une fois par semaine.

Contrairement aux e-commerces locaux, le marché du e-commerce cross-border est très fragmenté mais change peu. Ainsi, les principales plateformes B2C sont NetEase Kaola (24.2%), Tmall Global (20.3%), vip.com (15.7%) et JD Worldwide (12.5%), mais 13% des flux sont partagés entre de plus petites plateformes (classement 2017 de iiMedia Research).

L’avantage de ces plateformes est qu’elles fournissent une équipe dédiée et avec de l’expérience dans la vente en ligne (opération, service client, marketing), des possibilités de facilitation du paiement, en reversant les revenus aux entreprises étrangères directement en dollars ou euros. Elles ont également une meilleure maîtrise du marché chinois et surtout du calendrier qu’elles modélisent bien souvent en organisant des « festivals d’achat » (le plus fameux étant le 11/11 d’Alibaba).

Cependant, leurs services sont souvent coûteux. Qui plus est, elles se révèlent peu intéressées au développement d’une marque spécifique alors que le lancement d’un produit de consommation courante en Chine nécessite souvent de la patience et des investissements importants, en marketing notamment. Pour minimiser le fort degré de dépendance envers ces plateformes qui est d’origine structurelle, il est important à long terme de développer sa propre équipe opérationnelle gérant les ventes en ligne.

En résumé

Le e-commerce cross-border est une interface censée permettre un lien plus direct entre les marques européennes et les consommateurs chinois. Assez récente, elle est cependant encore en développement et les réglementations sont amenées à évoluer, notamment en ce qui concerne la taxation préférentielle et la liste de produits autorisés pour la vente. Par ailleurs, du fait de la complexité et de la volatilité du marché chinois, mais également du casse-tête logistique induit par ce mode de vente, le e-commerce cross-border est dominé par les plateformes, partenaires indispensables et coûteux pour les entreprises européennes. Lorsqu’une entreprise s’engage dans ce canal de distribution, il est recommandé d’établir une équipe dédiée qui diminuera la dépendance vis-à-vis de ces plateformes et augmentera ainsi la faculté de l’entreprise à se développer à long-terme sur le marché chinois. Quant à l’argument qu’il s’agit d’une méthode peu coûteuse pour tester un nouveau produit sur le marché chinois, il faut garder à l’esprit que la visibilité des marques sur ces plateformes reste faible du fait de la compétition élevée et du manque de lien direct entre le consommateur et la marque. Il n’en reste pas moins que de plus en plus de Chinois se rendent sur les plateformes de e-commerce cross-border lorsqu’ils recherchent des produits internationaux à moindre coût, ou dont l’importation par les voies courantes sont compliquées (c’est le cas de certains compléments alimentaires notamment). Cosmétiques, produits nutritionnels et infantiles français et allemands sont particulièrement recherchés. En conclusion, le e-commerce cross-border n’est pas la recette de vente miracle que l’on voudrait parfois faire croire et comme toute stratégie, elle mérite une réflexion au cas par cas.

Par Manon Bellon

Crédit image : Hong Kong Trade Center

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LE MARCHE DE LA BIÈRE EN CHINE

35° à Shanghai, 40° à Pékin, 35° à Canton… l’été et ses fortes chaleurs sont arrivés en Chine. Aussi, pour un nombre croissant de Chinois, c’est le moment de déguster une bière fraîche, bière qui, si elle est importée, sera dans 3 cas sur 4 européenne. Nous revenons donc ce mois-ci sur ce marché en pleine expansion, et où les marques européennes bénéficient d’un avantage décisif sur les papilles chinoises.

Premier marché de bière mondial

Deux fois la taille du marché américain, et cinq fois celui de l’Allemagne (plus grande consommatrice de bières en Europe), la Chine buvait en 2017 45.7 milliards de litre de bières.  La bière représente d’ailleurs 75% des consommations alcoolisées de ce pays (figure ci-dessous). En forte croissance sur la dernière décennie, le marché est aujourd’hui en maturation. Si le volume des ventes n’augmente plus, la valeur se maintient. En d’autres termes, les Chinois se tournent de plus en plus vers une consommation premium de bières, évolution avantageuse pour les brasseries européennes, dont les produits correspondent justement à ce positionnement (bière de première qualité).

Source: SME Centre

Les millenials en recherche de produits premium

Ce phénomène de prémiumisation s’explique par le profil des consommateurs chinois, et la segmentation résultante du marché. Comme c’est le cas pour beaucoup de biens de consommation courante en Chine, la force consommatrice se situe aujourd’hui chez les « millenials », ces jeunes consommateurs, principalement urbains, dont le revenu augmente ainsi que l’exigence de qualité envers les marques et les services rendus (cf article VVR du mois de juin). Si le marché de la bière peut être sectorisé en trois catégories : bières à consommation de masse, bières de loisirs et bières pression (classification du EU SME Centre), ces jeunes consommateurs sont surtout friands des deux dernières, qui se trouvent aussi réunir l’essentiel des bières importées.

Bières à consommation de masse: de manufacture locale

Secteur majoritaire mais en déclin (3% sur les trois dernières années), les bières à consommation de masse sont principalement de manufacture chinoise, et sont caractérisées par un niveau de prix très abordable (1euro le litre) et un faible taux d’alcool (3%). Ainsi elles sont consommées par tous types de consommateurs en accompagnement de repas chinois.

Les bières européennes (bières de loisirs) sont aujourd’hui surtout consommées dans les villes de premier et de second tiers

Les bières de manufacture européenne corresponde principalement à la deuxième catégorie : les bières de loisirs. Il s’agit de bières principalement en bouteille (format typique de 330ml ou 500ml, plus rarement en fût), provenant de marques étrangères et produites à l’étranger ou en Chine. Elles sont relativement chères (13euros le litre dans les bars), et sont principalement consommées seules ou en apéritif, dans les bars ou chez soi par des consommateurs urbains et à haut revenu. Ainsi, ce type de bière est surtout populaire dans les villes de premier et second tiers. Toutefois, l’adoption par les consommateurs chinois du e-commerce pour l’achat de biens de consommation courante permet aujourd’hui d’envisager le développement des ventes sur tout le territoire chinois. Ce secteur n’est pas dominé par un type de bière ou une marque particulière. Au contraire, ce marché se caractérise par une multitude de l’offre, tant en termes de goûts que de marques. La diversité semble ainsi appréciée des consommateurs qui sont également attirés par… une touche d’innovation.

13 pays européens dans le top 20 des pays exportateurs de bière vers la Chine

Marché en forte expansion (croissance de 38% en 2017), il constitue donc une opportunité évidente pour les brasseries européennes qui sont de plus en plus nombreuses à rentrer en Chine via ce type de produit. En effet, le volume des importations connait une croissance à deux chiffres depuis 5ans et a été multiplié par 22 sur la dernière décennie. En 2017, l’Allemagne, les Etats-Unis, la Belgique, les Pays-Bas et le Portugal sont dans cet ordre les cinq premiers pays exportateurs de bières vers la Chine. Par ailleurs, 13 pays européens figurent dans le top 20 des pays exportateurs.

Bières pression: un marché fermé

Enfin, la dernière catégorie regroupe les bières pression. Produites en Chine ou à l’étranger (dans ce cas elles comptent pour une partie des montants d’importations mentionnés ci-dessus), ces bières sont les plus chères (13.4euros le litre en moyenne dans les bars). Elles sont bues seules ou en accompagnement de repas occidentaux. Ce type de bière est donc principalement consommé par une population jeune et urbaine et à haut niveau de revenu. Ce marché n’existant pour ainsi dire pas il y a 10 ans, ces bières sont surtout présentes dans les villes de premier tiers, et se développent à un rythme soutenu dans les villes de second tiers. Ici encore, il n’y a pas de préférence notable pour un type de bière, bien que les blondes dominent. Toutefois, à la différence des bières de loisirs, il y a dans ce secteur peu d’acteurs étrangers. En effet, la législation chinoise exige une grande capacité de production, fermant ainsi la porte aux micro-brasseries étrangères. Ainsi, pour vendre sa bière, il est possible soit de délocaliser une partie de leur production, soit de vendre sa bière à l’un des acteurs présents sur le marché qui s’occupe alors de la distribution. C’est le cas par exemple de AB InBev qui domine largement ce marché à la croissance exponentielle.

Réglementation

Dans le cas des bières de loisir, la législation ne semble pas constituer d’obstacle majeur à l’importation de bières. Comme tout produit alimentaire, il s’agit de satisfaire aux conditions des douanes (CIQ), des règles sur la sécurité alimentaire, ainsi qu’à la réglementation sur l’étiquetage des produits alimentaires pré-emballés (2011) et celle sur l’étiquetage des boissons alcoolisées pré-emballées (2005).

En résumé

N’exigeant par ailleurs pas de reconditionnement, les bières de loisir apparaissent ainsi comme une solution peu coûteuse et à fort potentiel pour une entrée sur le marché chinois, où les brasseries européennes bénéficient d’un avantage de réputation non négligeable. Cependant, comme pour la majorité des biens de consommation courante en Chine, le niveau de compétition est très élevé, nécessitant, pour se distinguer, de disposer d’une solide stratégie marketing. Evénement intéressant pour observer la concurrence et trouver des partenaires potentiels, l’Anufood China qui aura lieu à Pékin en novembre prochain, réunit chaque année des professionnels du secteur alimentation et boissons.

Par Manon Bellon

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S’ADAPTER AUX NOUVELLES FAÇONS DE CONSOMMER

Histoires du thé et du lait

Les conclusions du rapport publié fin mai par le gouvernement chinois à Pékin lors de la convention sur le e-commerce ne sont pas une surprise : les transactions de e-commerce ont cru de 11.7% en 2017.

Ce rapport souligne, entre autres, l’explosion du commerce cross-border (+120% d’importations en 2017), l’intégration croissante des plateformes en ligne et des industries traditionnelles offlines grâce au big data, ainsi que les changements dans les habitudes de consommation comme l’utilisation du paiement mobile (+44%). En bref, le e-commerce est aujourd’hui un canal de distribution essentiel pour les biens de consommation, s’il n’est pas primordial.

Nous vous proposons ce mois-ci de regarder de plus près comment les acteurs chinois s’adaptent dans deux secteurs particulièrement traditionnels : le thé et le lait. Leur histoire particulière n’est pas seulement inspirante dans ce contexte spécifique, elle met également en avant un trait caractéristique du marché chinois : savoir s’adapter.

Du thé pour les millenials

En Chine, le thé fait partie de la culture, autant que le vin en France ou la bière en Allemagne. En ce moment, les «grands crus » 2018 arrivent sur le marché, après la récolte de printemps ; le kilo de ces feuilles de thé peut atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros (le prix est déterminé par la région de culture du thé). Pourtant, le thé est en perte de vitesse dans les habitudes de consommation des jeunes. De plus, il est très difficile de reconnaitre un bon thé au goût – seuls les grands connaisseurs y parviennent –, et la tâche est encore plus ardue d’après l’emballage, si l’on achète en supermarché.

Plusieurs sociétés de technologie chinoises ont récemment proposé leurs solutions « online » pour pallier ces problèmes : Xiaomi avec Xiao Guan Tea, NetEase avec Yanxuan, et Penguin Guide a également lancé sa propre marque de thé. A première vue, leur entreprise semble risquée : ils n’ont aucune expérience dans ce secteur où la fine connaissance du thé et des bonnes cultures est a priori requise. Pourtant, les 700 millions de CNY dans un marché de 2 milliards de CNY réalisés par Xiaoguan en 2017 indiquent le contraire.

En effet, ayant identifié les faiblesses du marché, ils ont su faire appel à la technologie, notamment la vente en ligne, pour améliorer et moderniser l’expérience consommateur, déterminante en Chine selon tous les enquêtes consommateurs. Les plateformes de e-commerce leur ont notamment permis d’avoir accès aux générations de consommateurs « post-90s », ainsi que de simplifier l’acte d’achat. Or, les « post-90s » constituent la force consommatrice en Chine (enquête McKinsey 2017). Ces consommateurs, ainsi que dans une moindre mesure, le reste des classes moyennes de plus en plus aisées, recherchent désormais des produits de première qualité, traçables, et différenciés.

Par ailleurs, en faisant appel à « huit grands maîtres du thé », XiaoGuan a construit une image de marque experte, dont la qualité des produits est, en principe, garantie. De plus, venant eux-mêmes de régions traditionnellement réputées pour le thé, les fondateurs de ces trois marques mettent en avant leur ancrage dans la culture du thé et personnalisent leurs produits.

Enfin, avec l’ouverture de magasins physiques, aménagés par le designer des magasins Apple, XiaoGuan allie efficacement l’offline (expérience consommateur), et l’online (acte d’achat).

En quelques mots, les efforts de branding ainsi que l’adaptation de leurs produits aux nouvelles places de consommations (les plateformes de e-commerce) ont permis à ces entreprises de tech, de rentrer avec succès sur le marché du thé.

Mieux connaitre ses consommateurs et personnaliser leur expérience

Par ailleurs, certains acteurs ayant une présence traditionnelle sur le marché chinois se saisissent également des technologies de big data, à l’image de Mengniu, l’un des leaders de produits laitiers, depuis un siècle en Chine. Dans un interview de 2017, Jeffrey, Minfang LU, CEO de Mengniu, explique comment l’entreprise utilise l’intelligence artificielle pour améliorer leur organisation et leur service aux consommateurs (Mc Kinsey). En effet, la numérisation du commerce en Chine dresse plusieurs défis aux grosses entreprises traditionnelles. Les consommateurs sont désormais mobiles : en payant depuis leur téléphone portable et en se faisant livrés à domicile, les Chinois achètent plus souvent, en moins grande quantité, et ont donc plus souvent le choix entre une plus grande offre de produits laitiers. Il faut savoir convaincre plus souvent, et sur un média différent.

Une firme nationale comme Mengniu dénombre plus de 20 millions de consommateurs « actifs », c’est-à-dire qui partagent des informations sur leurs préférences et leurs habitudes de vie, via les plateformes de e-commerce et les réseaux sociaux. Pour le CEO, ce sont autant d’opportunités de mieux adapter leurs produits et leur marketing. Seulement, les moyens de Mengniu sont aujourd’hui encore insuffisants pour traiter cette masse de données. Une solution peut être de s’allier avec les plateformes de e-commerce qui traitent déjà ces données. Ainsi Mengniu a lancé un projet avec Alibaba pour analyser leur supply chain et savoir où produire et comment transporter pour gagner en efficacité. Les équipes de Mengniu travaillent également au traitement des données pour comprendre et prévoir les préférences des consommateurs, avec la possibilité d’offrir des produits plus personnalisés, produits que recherchent aujourd’hui les consommateurs.

Enfin la numérisation du commerce n’est pas seulement l’occasion de récolter des données sur les consommateurs, c’est également l’ouverture d’une interface directe avec les consommateurs. Aujourd’hui, les Chinois attendent de plus en plus des produits traçables et sains. Or, grâce aux technologies de gestion de données de masse, Mengniu dit disposer de données sur toutes ses fermes et jusqu’aux vaches elles-mêmes. Il est donc possible via les plateformes de e-commerce de remplir ce rôle d’information des consommateurs quant à la valeur nutritionnelle de leur produit, leur origine. C’est aussi l’occasion selon Jeffrey LU de construire une histoire autour de leur lait. « Nous ne sommes pas que des producteurs de lait qui vous disent ce que vous pouvez faire, nous voulons faire partie de votre vie. » rapporte-t-il.

Ainsi, ces deux histoires reflètent les évolutions du marché et des attentes des consommateurs, quel que soit le secteur. Ces entreprises de thé ont su avoir une vision innovante et proposer un nouveau modèle commercial, répondant à une demande générale de modernité. Quant au leader du lait, il s’agissait avant tout d’exploiter le potentiel énorme créé par cet amas de données provenant du e-commerce. La maîtrise des outils technologiques et notamment des plateformes de e-commerce est donc non seulement incontournable pour avoir accès aux jeunes consommateurs, mais elle offre également de multiples possibilités : développement de produit, construction de l’image de marque, amélioration de la supply-chain… Dans bien des cas aujourd’hui en Chine, il s’agit de construire une histoire avec le consommateur.

Par Manon Bellon

Credits : Photography by 魏徐亮 Wei Xuliang

Le Marché des Cosmétiques en Chine : les tendances émergentes

E-commerce en Chine : Stratégies et Perspectives

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ETAT DU SECTEUR PHARMACEUTIQUE

Avec une population de 1.4 milliard d’habitants, vieillissante à cause de la politique de l’enfant unique d’une part, s’enrichissant d’autre part, la Chine est un marché à fort potentiel pour le secteur pharmaceutique, où les entreprises occidentales conservent un avantage compétitif décisif en termes de technologie. En 2016, représentant 110 milliards d’USD, le marché chinois passe en deuxième du classement mondial. Toutefois, ce marché est encore peu mature selon de nombreux aspects.

En 2020, 18% de la population chinoise aura plus de 65ans

L’espérance de vie est aujourd’hui de 78 ans pour les femmes, 75 pour les hommes et en 2017 environ 15% de la population a plus de 65ans (10% en France) ; dont 1.8% sont au-delà de 80 ans. En 2020, ces chiffres augmenteraient jusqu’à 18% et 6.5% respectivement. En 2035, l’âge médian de la Chine sera supérieur à celui de la France.

Urbanisation, sédentarisation et enrichissement de la classe moyenne

Outre ces données démographiques favorables, l’évolution de la société et le développement de la classe moyenne chinoise contribue à la constitution d’un pool de consommateurs alléchants. En effet, les habitudes de vie changent (sédentarisation, alimentation) du fait de l’urbanisation et de l’enrichissement de la population notamment.

Ainsi, les problèmes de santé évoluent également, rejoignant les problèmes de santé des pays développés : les maladies chroniques. En 2016, 26.2% des décès sont dus au cancer, 22.1% à des maladies cardiovasculaires, 20.4% à des maladies cérébrovasculaires, 12% à des maladies respiratoires ; et le diabète touche près d’un Chinois sur 10 et continue à croitre.

Les maladies infectieuses de type SIDA, tuberculose et hépatite restent prévalentes surtout dans l’Ouest de la Chine, plus pauvre. Il s’agit d’ailleurs d’un domaine où le gouvernement chinois met à disposition des fonds publics. Les nouveaux risques épidémiques touchent quant à eux les centres urbains, connectés à l’international.

Enfin, la Chine manque de médicaments pour les maladies orphelines et autres maladies rares, la pédiatrie et les maladies infantiles, constituant ainsi des niches du marché.

79% des médicaments sont délivrés sous ordonnance

Deux tiers des médicaments consommés en Chine sont chimiques, et 13% sont des médicaments biotechnologiques, principalement biosimilaires. Par ailleurs 79% des médicaments sont délivrés sous ordonnance, faisant du médecin une cible prioritaire des activités de promotion des laboratoires pharmaceutiques. Il s’agit principalement de génériques, secteur où la compétition locale est élevée.

Les médicaments importés sont surtout des formules brevetées

Les médicaments importés sont donc surtout des formules brevetées. Récemment, le gouvernement et les laboratoires chinois favorisent et recherchent des partenariats avec les laboratoires occidentaux pour le développement de nouvelles formules.

Les grands acteurs sur le marché sont autant des grands groupes que des PMEs, des sociétés étrangères (brevetés) et nationales (générique). Côté chinois, les trois plus grands sont Sinopharm, Shanghai Pharma, et Jointown Pharmaceutical Group. Seul ce dernier est une entreprise privée et tous entretiennent des relations étroites avec les hôpitaux, expliquant leur succès.

Un contexte réglementaire ambigu et changeant

Le contexte réglementaire est ambigu et sujet à des changements fréquents. La réforme du système de santé est en cours depuis 2009, visant à élargir le nombre de frais médicaux remboursés, ouvrant ainsi les villes de troisième et quatrième tiers au marché, réduire la dépendance des hôpitaux sur la vente de médicaments, et mieux encadrer les actions de promotion des ventes. Cependant, la procédure pour devenir un médicament remboursé est opaque et favorise les médicaments nationaux en exerçant une pression à la baisse sur les prix via des politiques d’enchères.

On note également récemment une levée des restrictions sur les IE en Chine dans certains domaines de la santé, et, comme dans le secteur de l’agroalimentaire, un renforcement des contrôles du gouvernement sur les pratiques de corruption des médecins (scandale GSK), les médicaments contrefaits ou de mauvaise qualité.

Ainsi, le secteur pharmaceutique offre de nombreuses opportunités aux entreprises européennes, pourvu que l’on sache y entrer et s’entourer de partenaires fiables. L’un des défis majeurs reste l’accès au marché difficile. En effet, en plus de droits de douane élevés, ce secteur se caractérise par une fragmentation extrême de son système de distribution, avec un nombre d’intermédiaires pouvant aller jusqu’à 6 selon le produit et la région. Le prix de vente se trouve ainsi impacté de manière non négligeable.

La réglementation pour l’homologation d’un médicament, et la réglementation entourant la promotion et la vente sont denses, complexes et opaques, mixant mesures de l’ancien système, mesures temporaires et nouvelles réglementations. La tendance est au renforcement du cadre réglementaire, mais également à la favorisation en pratique des produits de manufacture locale.  L’objectif du gouvernement est de construire des « champions nationaux », surtout dans le domaine des médicaments biosimilaires, et cela peut se traduire par un traitement différencié voire discriminatoire des entreprises locales et étrangères.

L’extension de la couverture maladie universelle cause une pression à la baisse sur les prix.

Enfin, la protection des droits de propriété intellectuelle est faible ou inadaptée. A titre d’exemple, il y avait en 2016 un retard de 17 000 demandes d’enregistrement des médicaments d’origine étrangère. Ainsi, il peut être complexe et risqué de lancer un nouveau médicament sur le marché chinois avec ce niveau d’incertitude.

Croissance de la demande, à laquelle ne peut répondre la production locale

Cela étant dit, le marché chinois reste ouvert et à fort potentiel, ne serait-ce que par le nombre de consommateurs, qui aspirent à des soins de meilleure qualité. Selon une enquête de 2014, les chinois sont plus concernés par leur santé que les brésiliens, russes, indiens mais aussi que les américains, européens et japonais. Ainsi, les ventes de vitamines et de compléments palliant aux maux communs liés au stress et au mode de vie devraient doubler d’ici 2020 par rapport à 2014. Or les médicaments occidentaux bénéficient d’une bonne image auprès des consommateurs, représentant la sécurité et la qualité. Par ailleurs, la solvabilité de ces consommateurs, bien que mitigée par le ralentissement économique, est fortement améliorée grâce au développement de la couverture santé universelle et à l’émergence d’assureurs privés.

Malgré la présence d’une main d’œuvre de plus en plus qualifiée, la R&D des acteurs domestiques est encore faible, bien que les investissements en la matière augmentent rapidement. Ainsi, les laboratoires pharmaceutiques recherchent des partenariats occidentaux afin de développer leur technologie.

Les réseaux d’entreprises pharmaceutiques

Les entreprises françaises peuvent également compter sur un soutien institutionnel ainsi que sur une réputation nationale grâce à l’implantation de grands groupes français. Ainsi, le Club Santé Chine, créé à l’initiative de Business France et Biomérieux et réunissant des grands groupes mais également des PMEs, des hôpitaux et l’Ambassade de France en Chine permet d’améliorer la visibilité offre française d’une part, et de facilité l’échange d’information d’autre part. Il comporte quatre groupes de travail, indication des secteurs porteurs où la France bénéficie d’un avantage compétitif : conception et gestion hospitalière, vieillissement et dépendance des personnes âgées, maladies chroniques, maladies infectieuses. Ainsi, une récente délégation d’entreprises des Pays de la Loire à Shanghai présentait de nombreuses entreprises françaises spécialisées en biotechnologie.

L’innovation est un plus dans la santé en Chine

Par ailleurs, les applications de l’Intelligence Artificielle dans le secteur médical sont, sans surprise, un autre aspect que le gouvernement et les entreprises chinoises cherchent à développer (l’un des objectifs dans la stratégie de développement de l’IA, l’un des objets de récents investissements de la part de Baidu, Tencent et Alibaba, ainsi qu’un sujet dominant traité par les médias lorsqu’il s’agit de santé. Or, la France et l’Europe bénéficie d’entreprises pharmaceutiques innovantes.

D’autres canaux de distribution pour satisfaire à la demande

Enfin, le e-commerce offre un nouveau rayon de possibilités à ne pas négliger pour les médicaments OTC (sauf injectables). De plus en plus utilisé par les consommateurs, il offre une meilleure visibilité des petites entreprises pharmaceutiques. D’après une étude de 2017, Internet est souvent la source première d’informations médicales, c’est donc le lieu de prédilection pour promouvoir ses produits, par la publication d’articles informatifs.

Par Manon Bellon

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LA CHINE, PEPINIERE POUR LES SOLUTIONS DE SMART ENERGY?

Les solutions de smart energy (innovation en matière d’énergie) sont assurément un sujet incontournable lorsqu’il s’agit de décrire le paysage économique chinois actuel. Trois articles VVR (voitures électriques, construction écologique et énergies renouvelables) ont démontré les limites qui se posaient aux engagements gouvernementaux.

Aussi, pour le mois d’avril, nous vous proposons une relecture des analyses du Conseil National de Réforme et de Développement de la Chine (NRDC), de la Banque Mondiale, et du Ministère du Commerce Américain et autres acteurs mondiaux qui concordent en ces points : la Chine doit développer des solutions de gestion efficace de l’énergie par le consommateur ; les technologies de l’intelligence artificielle (voir article VVR du mois de Mars) sont un moyen d’y parvenir et ce qui se joue en Chine aura des répercussions mondiales.

La Chine, leader mondial de la réduction des émissions carbones?

Avec l’Accord de Paris, la Chine se place définitivement en leader du combat pour réduire les émissions carbones. Ce choix stratégique sur la scène internationale est également justifié par sa situation interne alarmante en ce qui concerne la pollution, notamment atmosphérique. Par ailleurs, la Chine se positionne comme le laboratoire pour la transition énergétique des pays en voie de développement : en 2016 62,6% de son énergie provenait encore du charbon (Ministère du Commerce Américain). Elle fait en effet face à des défis typiques d’un pays en développement : une urbanisation galopante et le développement des zones rurales accroissent encore ses besoins en énergie : le taux de croissance de la consommation énergétique passait 5% à 6,6% en 2017 (Global Energy Statistical Yearbook) et la consommation pourrait augmenter au total de 40% sur les 15 prochaines années (World Ressources Institutes).

Un réseau électrique inefficace

Des investissements majeurs sont régulièrement annoncés pour le développement des énergies renouvelables, mais le constat global est celui d’un gaspillage dû aux problèmes de raccordement au réseau. Or, le réseau électrique en Chine est le monopole de deux entreprises d’Etat et est ainsi difficilement accessible pour les entreprises étrangères. Il est toutefois intéressant de noter que les investissements de la State Grid Corporation qui contrôle 80% du réseau électrique chinois se concentrent sur les équipements de mesure intelligente de la consommation énergétique (prévision d’en installer 280 millions d’ici 2022) et sur les systèmes d’automatisation et de distribution de l’électricité (USD 7 milliards à l’horizon 2020).

Source : International Finance Corporation (Banque Mondiale)               

Le bâtiment, terrain de progrès

Dans son rapport, l’International Finance Corporation identifiait le secteur du bâtiment comme principal récipiendaire des investissements à venir à l’horizon 2030 (USD 12,9 trillions).

En effet aujourd’hui, 70% de l’énergie en Chine est consommée par les bâtiments, 60% étant perdue, ce qui représente une perte de USD 100 milliards par an, et ce en raison de dysfonctionnement d’équipements trop vieux (China Economic Review). Par ailleurs, 70% des émissions carbones proviennent des villes et un tiers d’entre elles de l’approvisionnement en électricité des bâtiments (Conseil National de Développement et de Réforme).

Dans le 13ème Plan Quinquennal, la construction écologique est en effet affichée comme une priorité : en théorie la moitié des nouvelles constructions doivent respecter les normes environnementales du NRDC. Cependant, les coûts plus élevés, les délais d’obtention des certifications et la difficulté de déploiement des nouvelles technologies sont autant d’éléments dissuasifs pour les constructeurs privés.

Ainsi, les principaux clients intéressés par les technologies de gestion efficace de l’énergie s’avèrent être les autorités locales : 290 villes ont déjà lancé des projets de « smart city » (China Daily). 95% de ces villes sont les capitales de province. De plus, le potentiel est d’ordre mondial puisque certains projets comme celui du City Brain de Hangzhou (conjointement avec Alibaba et Foxconn) s’exporterait déjà vers la Malaisie. La majorité de ces projets se situent toutefois en Chine de l’Est, particulièrement dans les provinces de Shanghai, du Zhejiang et du Jiangsu, en raison du niveau de développement, d’urbanisation et des ressources dont disposent les gouvernements locaux.

Pour rééquilibrer l’offre et la demande, le gouvernement central, les gouvernements locaux et les entreprises d’Etat misent donc sur la gestion efficace par les consommateurs de leur consommation. Acteurs publics et privés espèrent attirer start-ups et entreprises innovantes, à en juger par le nombre de forums et d’événements consacrés aux « smart energies » : les 2 et 3 avril se déroulera à Shanghai un forum sur la construction écologique organisé par Arup et décrit comme un lieu de réflexion pour la définition des prochaines politiques urbaines de Shanghai. Les 19 et 21 septembre, à Tangshan Southlake, près de Tianjin, auront lieu le Smart Energy China Forum (focus sur les objets connectés) et le Energy Storage China Forum, tous deux à dominante institutionnelle.

Quelle place pour les entreprises européennes?

Capable de produire les équipements nécessaires à bas coût, la Chine recherche aujourd’hui les technologies de gestion efficace et intelligente de l’énergie. Celles-ci proviennent souvent de l’étranger, les start-ups américaines notamment étant déjà entrées sur le marché.

Certains défis se présentent toutefois à l’entrée d’entreprises étrangères sur le marché chinois de la gestion intelligente de l’énergie.  Outre une préférence globale pour les acteurs locaux, notamment en ce qui concerne la production, le contrôle de l’énergie est un enjeu de sécurité publique et les technologies de big data soulèvent la question du stockage des données : avec le renforcement des régulations de cybersécurité, il est aujourd’hui compliqué pour une entreprise d’exporter des données chinoises vers ses serveurs s’ils sont localisés dans un autre pays. Les différents rapports s’accordent toutefois sur le fait que des solutions existent, comme s’associer avec un partenaire chinois.

Un autre défi à l’entrée des acteurs étrangers est le manque d’une politique urbaine unifiée qui rend le paysage des solutions énergétiques intelligentes particulièrement complexe, le faible taux d’application des politiques dans certaines provinces : les objectifs du gouvernement chinois de réduire de 40 à 45% la part carbone de son PIB de 2005 à 2020 ont été revu à la baisse. Il faut en effet garder à l’esprit que les termes « écologique » et « vert » sont également des termes politique, de communication et ne reflètent pas toujours la réalité selon les standards européens.

Côté français, le Smart Mobility Forum qui a eu lieu à Marseilles en février a présenté au monde un tissu d’entreprises dynamique sur les solutions de gestion intelligente de l’énergie, même si la discussion s’est focalisée sur les solutions de transports. De plus, en 2016, EDF lançait un projet de smart energy à Sanya en coopération avec Changfeng Energy. Le projet vise à réduire l’empreinte carbone de la ville.

 

Par Manon Bellon

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LA CHINE SUR LA ROUTE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Beaucoup a déjà été écrit sur les plans de la Chine pour devenir une puissance mondiale de l’intelligence artificielle (IA) en 2030, et ces deux mots reviennent presque quotidiennement dans les grands médias chinois et les annonces gouvernementales. Parmi les effets d’annonces et autres articles cherchant un buzz médiatique sur un sujet qui fascine et inquiète, il est important de faire la part des choses.

Que contiennent exactement ces plans ? Quel en est le reflet dans la société et l’économie chinoise aujourd’hui ? Quelles opportunités peut-on identifier pour les entreprises françaises ?

Au World Mobile Congress de Barcelone cette année, Huawei présentait un véhicule entièrement piloté par l’IA de son dernier smartphone mis en vente en automne 2017. Un téléphone a ainsi conduit une voiture sur une dizaine de mètres tout en évitant efficacement les obstacles. Outre les réactions mondiales suscitées par cette avancée technologique, il est intéressant d’observer que la Chine est désormais un sujet de discussion incontournable lorsqu’il s’agit de l’intelligence artificielle mondiale : Huawei était la première entreprise apparaissant dans le documentaire d’une chaîne de télévision européenne destiné au salon.

Devenir un centre mondial majeur de l’IA en 2030

Récemment, la Chine a publié plusieurs plans organisant sa transition de « l’atelier du monde » au « laboratoire du monde » : Made in China 2025 (2015), Internet + (2015) et le 13ème Plan Quinquennal (2015) intègrent tous un volet innovation central, dans lequel s’inscrit la stratégie nationale de développement de l’IA rendue publique en Juillet 2017.

L’objectif annoncé est de devenir un centre mondial majeur de l’IA en 2030, avec deux étapes intermédiaires en 2020 et 2025. Outre les objectifs stratégiques et politiques liés à un tel développement, le gouvernement chinois met en avant ses objectifs économiques : une estimation de bénéfices directs sur l’économie chinoise à hauteur de 150M CNY (19,2M EUR) d’ici 2020, et de 1Md CNY (128M EUR) d’ici 2030. A ce titre, le cabinet PwC se montrait plus optimiste annonçant une contribution de l’IA à l’économie mondiale de 16Mds USD (13Mds EUR) d’ici 2030 dont la moitié pour l’économie chinoise.

Concrètement, le gouvernement souhaite encourager les applications de l’IA dans les domaines de la production, de l’urbanisation, de l’agriculture, des énergies renouvelables, de la robotique, des voitures intelligentes, des soins médicaux et de la défense nationale. Cependant, peu de financements précis ont encore été annoncés.

Sans entrer dans la polémique pour savoir qui des Etats-Unis ou de la Chine mène la course, faisons un état des lieux de l’IA en Chine à l’heure actuelle. Qu’existe-t-il ? Quels potentiels de développement pouvons-nous aujourd’hui identifier ?

Soutien politique et financier du gouvernement

Les atouts chinois souvent cités sont : un soutien du gouvernement en matière de législatif (la protection légale des données est quasiment inexistante) et de financements ; de vastes ressources en données grâce à une population nombreuse, diverse et hyperconnectée, mais également des ressources scientifiques (20% des scientifiques en formation en IA dans le monde sont chinois) avec notamment un avantage dans le domaine de la traduction et du langage du fait de la complexité de la langue chinoise.

Des géants actifs

En effet, la Chine possède ses propres données (Baidu, Alibaba et Tencent, alias BAT) et celles-ci sont disponibles en nombre suffisant dans un univers non fragmenté : 800 millions de comptes Wechat, une application qui recouvre des domaines aussi services aussi divers que le paiement, la localisation, la location de taxi, vélos, la commande de nourriture… La moitié des smartphones en Chine sont équipés d’un système de paiement (voir article VVR sur le sujet) et beaucoup d’observateurs notent la friandise de la population à tout âge pour les objets connectés.

Posséder des données est essentiel au développement de l’IA qui n’est rien d’autre qu’un outil sophistiqué permettant de traiter un nombre de données jusqu’ici trop lourd pour nos programmes classiques. Toutefois, il semblerait que l’on soit aujourd’hui capable de simuler des données ce qui réduit considérablement l’avantage compétitif de la Chine en la matière.

La puissance de calcul

La Chine dispose également de la puissance de calcul nécessaire à des avancées majeures en IA : la reconnaissance d’image proposée par Baidu est ainsi aujourd’hui plus précise que celle de Google (de 0.3%). Par ailleurs, la Chine fabrique désormais ses micropuces qui équipent le dernier smartphone de Huawei. La reconnaissance vocale constitue cependant encore un défi pour les grands groupes chinois et concentre aujourd’hui les investissements.

Les investissements

Le capital est l’un des autres points forts de la Chine. Les trois géants numériques chinois : Baidu, Alibaba et Tencent ont tous publiés des plans de développement de l’IA. Ainsi, Baidu investit 3Mds EUR dans la reconnaissance d’images, la réalité augmentée et le deep learning quand Alibaba annonce l’ouverture de 8 centres de recherches dédiés au développement de l’IA et de l’informatique quantique pour un investissement de 15 Mds USD (12,7Mds EUR). Baidu est également impliqué dans le développement d’une voiture autonome, contexte dans lequel le groupe a annoncé sa volonté de mettre ses données en opensource, contrairement à ce qui est pratiqué outre-Pacifique.

Pékin quant à eux ont récemment fait l’annonce d’investissements à venir dans des universités, des incubateurs et des start-ups pour 150 Mds CNY (19,15 Mds EUR) afin de se doter de systèmes d’IA chinois. Au début de l’année 2018, cela s’est encore davantage concrétisé avec l’annonce de la création d’un parc professionnel dédié à l’IA (big data, identification biométrique et deep-learning) dans la capitale, qui réunirait 400 entreprises. Le coût du projet est estimé à 13.8 Mds CNY (1.8Md EUR).

Quid des entreprises étrangères en Chine?

A la lecture de ces faits, il semblerait que la Chine soit surtout un concurrent de plus en plus redoutable dans le secteur de l’IA et des technologies intelligentes. Pourtant, les acteurs français et européens peuvent profiter de ce développement pour : trouver des investissements et/ou s’établir en Chine, trouver des équipes chinoises formées à l’IA, profiter des technologies chinoises en IA et des données si celles-ci sont effectivement mises en open source et jouer un rôle d’intermédiaire entre produits intelligents chinois et marchés européens. A noter : en novembre 2018 se tiendra la China International Import Export Exhibition qui prévoie de réserver un hall entier à la haute technologie et aux équipements intelligents.

En résumé :

Les annonces du gouvernement chinois laissent prévoir une hausse des investissements publics et privés déjà nombreux dans le domaine de l’Intelligence Artificielle. Outre la technologie de l’IA en elle-même, les secteurs privilégiés par la Chine sont ceux de la production, de l’urbanisation, de l’agriculture, des énergies renouvelables, de la robotique, des voitures intelligentes, des soins médicaux et de la défense nationale. La France a affiché sa volonté d’étendre sa coopération dans ce domaine spécifique avec la Chine qui, d’après ses déclarations, ne souhaite pas restreindre ce domaine aux entreprises chinoises exclusivement. A l’heure actuelle, Pékin favorise principalement l’installation des talents en Chine, et les centres de recherches annoncés par les divers acteurs chinois sont encore en construction. Les opportunités pour les acteurs français se situent ainsi principalement dans les besoins que peuvent avoir les entreprises chinoises de ces domaines, ou dans les technologies que celles-ci peuvent développer.

Par Manon Bellon

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OPPORTUNITE POUR LES ELEVEURS FRANCAIS SUITE A LA VISITE DU PRESIDENT MACRON EN CHINE

L’embargo chinois sur le bœuf devrait être levé sous 6 mois

L’année du chien s’annonce en Chine, le Président français Emmanuel Macron offre un cheval à son homologue chinois, et c’est encore un autre signe du zodiaque chinois qui intéresse aujourd’hui les exportateurs français vers la Chine : le bœuf. Lors de sa visite en Chine, Emmanuel Macron a confirmé la levée totale de l’embargo sur la viande bovine française en Chine « dans les six mois ». Le Beijinger rapporte que cette décision a été joyeusement accueillie par le public chinois, que ce soit les entreprises de F&B ou les amoureux de la viande chinois.

Origine (et fin?) de l’embargo

En 2001, alors que la crise de la vache folle se propage en Europe, la Chine décide de fermer ses frontières à toutes les importations de bœuf européennes, puis américaines. Cette mesure a connu un assouplissement très partiel en mars 2017 pour les viandes bovines françaises : seules les viandes provenant de bovins âgés de moins de 30ans et désossées pouvaient être importées. Finalement, louant le succès diplomatique de cette décision et assurant qu’elle n’aurait pas d’impact négatif sur l’environnement, le Président Macron a annoncé la levée totale de l’embargo lors de sa visite au début de l’année 2018, dans un discours ponctué de quelques phrases de cantonnais remarquées des médias chinois.

Un marché en expansion

Cette décision arrive à point. De nombreuses études montrent l’évolution des habitudes de consommation des 1.4 milliards de Chinois, notamment en ce qui concerne la consommation de viande. Il en résulte un marché en plein boom (multiplié par 10 entre 2010 et 2015) alors que le marché du bœuf français connait justement une décroissance de 5% par an. Si le porc représente toujours 60% de la viande consommée en Chine, le bœuf gagne de la place dans les assiettes de la classe moyenne : en 2016, un Chinois consommait 4kg de bœuf pour moins de 3kg en 2005 selon l’OCDE. A titre de comparaison, la consommation française de bœuf est quatre fois plus élevée.

La viande constitue ainsi un marché d’autant plus alléchant pour les exportateurs que les prix y ont été multipliés par quatre en 15ans (3.5euros le kilo aujourd’hui). De plus en plus soucieux de la qualité des produits, la classe moyenne chinoise grandissante se tourne majoritairement vers des produits importés, bien qu’ils soient plus coûteux, selon une note de la banque néerlandaise Rabobank.

Ouverture de l’agro-alimentaire chinois aux importations

Or, si le marché agronome chinois pouvait être relativement difficile d’accès auparavant, ce n’est plus le cas depuis le 13ème plan quinquennal (2016-2020) dans lequel le gouvernement officialise le recours aux marchés mondiaux pour assurer la sécurité alimentaire. La Chine est aujourd’hui un pays importateur net en produits agro-alimentaires avec une balance déficitaire d’environ 34 milliards d’euros en 2015 selon les douanes chinoises. Or, ces importations concernent en grande partie les produits carnés (20% soit 1.7millions de tonnes) en raison de l’attrait que constitue la qualité venue des pays occidentaux dans le domaine des viandes. Ainsi, l’agro-alimentaire en général constitue le troisième domaine des exportations françaises en Chine, mais la viande ne compte que pour 9% du montant total des exportations. La Chine étant en passe de devenir le premier importateur mondial de bœuf, avant les Etats-Unis, la levée de l’embargo sur le bœuf français devrait faire évoluer ces chiffres à la hausse.

Une compétition locale et étrangère sévère

La levée de l’embargo français fait suite à celle de l’embargo sur le bœuf américain en juin dernier. Au niveau européen, la France est le troisième pays dont l’embargo a été levé, après l’Irlande et les Pays-Bas. Cette décision avait en fait été prise entre les autorités françaises et chinoises le 3 mars 2017 mais le dossier restait bloqué par les différentes requêtes sanitaires chinoises.

Elle est vue comme une réelle opportunité pour les 150 000 éleveurs français dans ce secteur qui pèse près de 6,­6 milliards d’euros. Pour autant, ce n’est pas un marché donné. En effet, monopolisant 90% du marché chinois, les principaux concurrents sont les bœufs australiens, brésiliens, uruguayens et néo-zélandais. Quant au cheptel bovin de la Chine, il représente tout de même 10% du troupeau mondial et reste cinq fois plus important que la France.

Mais des atouts français uniques

Dans un premier temps, les éleveurs français envisagent des exportations d’un total de 50 000 tonnes de bœuf, ce qui représenterait presqu’un cinquième des exportations françaises de bœuf. Les éleveurs français entendent en effet se positionner sur le haut de gamme, mais aussi profiter du marché chinois pour écouler des morceaux non utilisés en France comme la queue de bœuf. Pendant les six mois estimés pour la mise en place effective de la levée de l’embargo, la France pourra préparer le terrain en promouvant la qualité française (traçabilité sanitaire), les races bovines françaises et l’art de vivre à la française d’une pièce de bœuf dûment accompagnée.

Quant à la volaille française, également sous le coup d’un embargo chinois imposé en 2015 à cause de la crise de la grippe aviaire, les discussions sont toujours en cours.

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